
Heritage Fight : rendez-nous nos terres !

Le 8 octobre 2014, le documentaire “Heritage Fight” est sorti sur nos écrans. Ce portrait d’une communauté se battant pour ses terres rappelle qu’aujourd’hui la bataille des Aborigènes d’Australie pour leurs droits est ardue et permanente. Justement, qu’en est-il de la loi et des 500 autres communautés vivant sur ce pays-continent ?
« Ne touchez pas à mes terres, elles sont vivantes »
Dans la superbe et sauvage région du Kimberley, en Australie Occidentale, la communauté des Goolarabooroo se bat face à Woodside, une compagnie industrielle qui cherche à implanter la seconde plus grande usine à gaz au monde. Les Aborigènes, accompagnés d’Australiens blancs, se lancent corps et âme dans un duel de longue haleine pour préserver les terres et chasser l’entreprise indésirable.
Passionnée des récits sur les Aborigènes, Eugénie Dumont a pris sa caméra et est partie filmer leur histoire. Par ce documentaire, la jeune réalisatrice en profite pour pointer du doigt l’injustice et la lutte constante auxquelles doivent faire face les Aborigènes pour leur terre, source de la vie et au cœur de leur culture.

Heritage Fight © Heritage Fight / Eugenie Dumont – 2011
Un pays, deux nations
Le film met en évidence le problème que rencontrent les Aborigènes : le gouvernement australien a tendance à avantager l’économie monétaire au détriment de la culture des autochtones. Alors que la terre signifie objet d’exploitation et source d’argent pour l’un, c’est pour les autres le centre de leur vie, de leurs croyances. C’est leur héritage, leur patrimoine. « Elles sont vivantes », proclame une manifestante en parlant des terres.
Si cette fois les habitants du Kimberley vont parvenir à leurs fins, c’est loin d’être le cas d’autres peuples qui luttent sans cesse pour la reconnaissance de leur droit sur leur territoire. Plus de 500 communautés aborigènes vivent sur le sol australien. Chacune a sa terre, son langage, sa loi et son histoire.
Avant l’arrivée des colons européens, l’Australie était le territoire des Aborigènes. Aujourd’hui, ces derniers vivent principalement dans les villes, parfois dans des conditions déplorables. Depuis plus de deux cents ans, les différentes politiques à leur égard ont été destructrices. Marginalisés, beaucoup éprouvent des difficultés à trouver leur place au sein d’une société penchant plutôt du côté des ex-colons.

Heritage Fight © Heritage Fight / Eugenie Dumont – 2011
Terra Nullius
D’ailleurs, que dit la loi ? Jusqu’à 1992, la loi considérait l’Australie comme étant « terra nullius« , en d’autres termes vide avant l’arrivée des colons. Cet immense territoire, bien que peuplé par les Aborigènes, n’appartenait à personne et était donc par définition libre, selon les Britanniques. Pire, jusqu’en 1970, les Aborigènes étaient même considérés comme faisant partie de la faune.
Mais en 1992, la loi commence à remettre en cause cet état d’esprit raciste. La nouvelle décision de la Haute Cour reconnaît le droit foncier des aborigènes sur les terres rurales. Par ce biais, quelques peuples aborigènes vont utiliser cette réglementation pour recouvrer leurs droits. Malheureusement, la législation compliquée en empêchera d’autres d’obtenir gain de cause.
En 2014, un homme met au défi le gouvernement de délivrer des documents officiels attestant le transfert de la terre aborigène aux colons. Une idée ingénieuse, mais la législation avance trop lentement. Jenny Macklin, secrétaire d’État chargée du dossier, concède qu’ «Il faut admettre qu’il n’y a pas pour le moment de prise de conscience» sur la nécessité de changer la constitution.
L’homme aborigène, ou l’homme sauvage aux pouvoirs surnaturels
En France, trop peu de cinémas projettent ce documentaire. Est-ce dû à la méconnaissance des Français sur les Aborigènes et leur culture ? À l’image du best-seller de Marlo Morgan, « Message des hommes vrais aux hommes mutants« , une grande partie du monde continue à imaginer le peuple Aborigène comme étant détenteur de pouvoirs surnaturels, mystique et vivant à l’état sauvage dans le désert. Une image qui lui colle malheureusement à la peau et qui dessert son combat.
Le monde cinématographique a besoin de films et de documentaires intelligents qui réveillent les consciences et dessinent un visage réaliste de la culture aborigène. Et même si l’issue d' »Heritage Fight » est positive, la bataille pour le droit aux terres est bien loin d’être finie.
À voir au cinéma Méliès, 93100 Montreuil, du 18 au 31 décembre 2014.