
Les tigres, derniers seigneurs de l’Inde

L’Inde est le pays qui abrite le plus de tigres au monde, environ 70% de la population totale[1]. D’après les chiffres officiels émanant du Ministère de l’Environnement indien, le pays compterait un « tiers de tigres en plus qu’il y a quatre ans »[2]. C’est évidemment une immense fierté, mais aussi la satisfaction du travail bien fait pour tous ceux et celles engagés dans la lutte pour la protection des animaux sauvages.
Veiller à la mise en place de bonnes pratiques
Le tigre est sans nul doute un des symboles les plus nobles du sous-continent indien et un élément fondamental du patrimoine culturel du pays. Depuis 1973, le gouvernement s’implique durablement dans la préservation de l’espèce au travers du « Projet Tigre », placé sous l’autorité de l’Autorité Nationale de Préservation des Tigres. Au-delà du développement d’un nombre important de réserves – aujourd’hui 47 – la mission de cette organisation est de veiller à la mise en place de bonnes pratiques par les Etats et de lutter contre toutes les menaces susceptibles de menacer la survie des animaux, comme le braconnage ou la destruction de leurs habitats naturels.
C’est aussi ce à quoi s’emploie le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) : « Avec des projets dans plus de quarante pays, IFAW apporte une assistance sur le terrain aux animaux en détresse, qu’il s’agisse de chiens et de chats, d’animaux sauvages ou domestiques, ou de bêtes frappées par une catastrophe naturelle. » IFAW soutient notamment l’initiative « Gardes de la nature » (Guardians of the Wild) et collabore ainsi avec le Wildlife Trust of India pour former des rangers à même de protéger efficacement les habitats dits protégés des tigres.
L’autre grand engagement d’IFAW est de soutenir la création ou l’agrandissement de réserves. Enfin, l’organisation tente de réduire au maximum la dépendance des hommes aux produits de la forêt afin de limiter les interactions avec les animaux sauvages. C’est ainsi qu’elle a contribué à l’installation de « centaines de réchauds économes en combustibles. »[3] dans plusieurs villages.
Ustad, un tigre qui fait le buzz
Ustad est un magnifique tigre indien de neuf ans, qui vivait jusqu’au mois dernier dans la réserve de Ranthambore, au nord de l’Inde. Il est aujourd’hui accusé d’avoir tué quatre personnes. La dernière victime en date est un garde forestier du nom de Rampal Saini, tué le 8 mai dernier. Depuis, T24, comme certains l’appellent, a dû quitter son lieu d’habitation et a été transporté vers un autre parc, à quatre cents kilomètres du premier. Cette décision fut prise par le directeur de la réserve de Ranthambore, et ce afin de calmer la colère des villageois.
Mais une polémique est née. Une vaste campagne médiatique a été lancée pour demander le retour d’Ustad sur son territoire d’origine. Les hastags #jesuisustad, #BringUstadBack ont été très utilisés sur Facebook et Twitter. Selon certains experts, tel que Dharmendar Khandal, biologiste de renom et spécialiste des tigres, Ustad est dangereux. Mais d’autres décrètent que le tigre n’aurait fait qu’une victime dont la mort ne serait qu’un malheureux accident. Pour l’ancien ministre de l’environnement du Rajasthan, T24 ne présenterait aucun risque ; c’est aussi ce que pensent bon nombre d’hôteliers. Reste à mesurer leur degré d’objectivité dans cette histoire, quand on sait qu’Ustad était la coqueluche des touristes et donc une ressource financière d’importance pour les commerçants des alentours.
Quoiqu’il en soit, l’histoire d’Ustad met en lumière la dangerosité du travail des gardes forestiers qui protègent les réserves. Habitués à fréquenter les animaux, la mort de deux d’entre-eux devrait interroger davantage les autorités. Les moyens mis à leur disposition sont-ils suffisants ? Ne leur fait-on pas courir des risques inutiles ? Peut-être avons-nous tendance à oublier que, derrière la grosse peluche des photos, se cache un animal sauvage avec des réactions d’animal sauvage.
Il y a toujours un risque et ne pas vouloir le prendre suffisamment en considération risque de nuire à la préservation des tigres. En effet, les populations qui vivent à proximité des réserves pourraient prendre peur si d’autres accidents de ce genre se reproduisaient et chercheraient à se défendre, par tous les moyens. C’est en partie grâce au dévouement de ces gardes que la population des tigres en Inde est aujourd’hui en hausse, et pour que ça continue, il faut leur donner les moyens de mener au mieux leurs missions de surveillance, en assurant efficacement leur sécurité.
[1] http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-30896028
[2] Idem
[3] http://www.ifaw.org/france/notre-travail/tigres/travailler-avec-les-communaut%C3%A9s
Photo à la une : © Flickr / Rodrigo Soldon 2