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Nationalisme écossais : la recherche d’une alternative au néolibéralisme anglais

Nationalisme écossais : la recherche d’une alternative au néolibéralisme anglais

Les médias occidentaux ont très largement présenté la victoire de David Cameron aux élections législatives britanniques du 7 mai comme une victoire de l’austérité. Le problème est qu’une telle présentation du scrutin fait l’impasse sur la percée du parti national écossais, le SNP, qui plaide quant à lui pour la fin de l’austérité et du néolibéralisme…

Un nationalisme progressiste

Si les conservateurs de David Cameron sont parvenus à obtenir une majorité absolue, les nationalistes écossais ont, de leur côté, remporté une victoire historique : 56 sièges soit neuf fois plus qu’en 2010. Après l’échec du référendum de septembre sur l’indépendance, ces élections prennent des allures de revanche. Dans un contexte de crise européenne qui voit la montée en puissance de mouvements xénophobes, beaucoup pourraient s’inquiéter d’une telle progression d’un parti nationaliste. Mais la particularité de la situation écossaise est que le nationalisme du SNP n’est pas de nature xénophobe.

Les Écossais sont parfaitement ouverts à la diversité et conscients des apports de l’immigration à leur économie. Le parlement est d’ailleurs très impliqué dans la lutte contre les préjugés. Depuis les années 1980, un certain regain d’intérêt pour l’histoire de l’Écosse a également permis d’assumer les réussites et les échecs de ce pays. En réalité, c’est surtout la manière de concevoir la Nation qui a évolué. Les différents déplacements de population entre le XVIIIe et le XXe siècle ont fait émerger l’idée que l’identité écossaise ne se définissait plus par des origines mais par le simple fait d’habiter le pays.

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© http://www.timeshighereducation.co.uk

« L’identité écossaise est forte, on est très patriotiques, mais elle n’est pas refermée sur elle-même, on est prêt à la partager », Christian Allard, député indépendantiste.

Aux yeux du SNP, qui séduit de plus en plus de jeunes, l’identité écossaise ne renvoie pas à une question ethnique mais, comme le souligne Alison Louise Kennedy, à un projet de société. Dans quel pays voulons-nous vivre, quel système adopter, selon quelles valeurs ? « Le SNP, c’est l’espoir d’un changement réel. Plus de démocratie, plus de solidarité. Cela ne sera pas seulement bénéfique à l’Écosse, mais à l’ensemble du Royaume-Uni », déclare un jeune homme venu voter. Si la population parvient parfaitement à concilier son identité écossaise et son identité britannique, on assiste néanmoins à un rejet de plus en plus important du modèle libéral anglais.

En finir avec le néolibéralisme anglais

La prise de distance de l’Écosse avec le Royaume-Uni renvoie moins à un nationalisme étriqué qu’à un refus du néolibéralisme et de l’austérité version britannique. Dans le pays d’Adam Smith, la politique menée par Margaret Thatcher dans les années 1980 avait débouché sur des fermetures d’usines et détruit l’économie dans plusieurs régions. A cette époque, le nationalisme écossais devient donc synonyme d’antithatchérisme. Tout un courant radical, républicain et socialiste émerge au sein du SNP pour contester l’hégémonie de ceux qui perçoivent l’autonomie comme une fin en soi. L’indépendance doit, au contraire, permettre de proposer une autre politique. A la fin des années 1990, d’aucuns espéraient que la création d’un parlement écossais favoriserait les travaillistes, mais ces derniers se convertissent à la « troisième voie » de Tony Blair, plus connue sous le nom de social-libéralisme.

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Tony Blair, Premier ministre britannique, de 1997 à 2007 © http://www.challenge.ma

La vie politique écossaise reste alors dominée, contrairement à l’Angleterre, par les travaillistes et le SNP ; les conservateurs sont quant à eux marginalisés. Le Labour ne cesse toutefois de se discréditer en raison de son incapacité à proposer autre chose qu’une version modérée du néolibéralisme anglais. A sa gauche, les nationalistes prônent une réelle rupture avec les politiques menées depuis Margaret Thatcher. L’affaiblissement des travaillistes profite directement au SNP qui obtient en 2007 une majorité absolue au parlement écossais.

« Alors que les électeurs de gauche anglais ne disposent pas d’option sérieuse et se réfugient dans l’abstention, l’offre politique en Écosse s’avère plus riche. Le SNP reprend à son compte une partie de l’héritage social-démocrate laissé en friche par les blairistes et s’oppose à la guerre anglo-américaine en Irak : sa montée en puissance s’explique en partie par un transfert de voix des travaillistes » Keith Dixon.

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Alex Salmon, Premier ministre écossais, de 2007 à 2014. © http://www.telegraph.co.uk

Si le Premier ministre Alex Salmond marque tant sa différence avec l’Angleterre, c’est que l’Écosse reste beaucoup plus attachée à l’État providence, mis en place après la Seconde Guerre mondiale : dénonciation de l’austérité imposée par Londres, refus de poursuivre le programme de privatisation des prisons lancé par les travaillistes, volonté de garantir un certain niveau de protection sociale pour les personnes âgées, refus d’introduire des droits d’inscription dans les universités écossaises. Dans ces conditions, l’appartenance au Royaume-Uni peut apparaître comme un carcan qui empêche toute alternative aux politiques libérales. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la demande de référendum de septembre 2014. D’une manière plus générale, la progression du nationalisme écossais s’inscrit également dans une évolution de la mondialisation qui voit le retour des Nations.

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L’ambiguïté du SNP réside néanmoins dans ses positions pro-européennes, alors même que les politiques d’austérité encouragées par l’Union européenne sont largement aussi violentes que celles imposée par le gouvernement britannique. Keith Dixon ne dit pas autre chose : « Une fois réglée la question de l’autodétermination par rapport à Londres, se poserait alors, avec tout autant d’acuité, celle de la marge de manœuvre possible au sein d’une Union plus que jamais néolibéralisée ». En attendant, l’exemple écossais offre matière à réfléchir pour toutes les forces politique, de Podemos à Syriza, qui recherchent une alternative au néolibéralisme en Europe.

A propos de l'auteur

Romain Masson

Diplômé d'un master d’histoire et sciences humaines, j'ai enseigné l'histoire-géographie en collège. Je m'intéresse actuellement à l'évolution des sociétés, aux questions géopolitiques et aux enjeux liés à la mondialisation

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