
République Tchèque : une diplomatie à redéfinir

La patrie de Skoda est actuellement en pleine réflexion sur son avenir diplomatique, et sa place sur l’arène internationale. Si le parti social-démocrate est au pouvoir de façon incontestable, c’est paradoxalement en son sein que les dissonances s’avèrent être les plus importantes. Entre le Président pro-russe Milos Zeman, et son Premier Ministre pro-européen Bohuslav Sobotka, c’est peu dire que le torchon brûle.
Un ambassadeur américain recadré
Tout a commencé à la fin du mois de mars, lorsque l’ambassadeur américain à Prague, Andrew Schapiro, avait affirmé à une télévision locale qu’une présence tchèque à Moscou le 9 mai prochain, dans le cadre du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dans un contexte fortement influencé par la situation en Ukraine, paraîtrait fortement déplacée par rapport au contexte actuel en Ukraine, soulignant aussi le fait qu’aucun autre dirigeant d’un pays membre de l’Union Européenne ne serait présent sur place.
Milos Zeman lui a répondu du tac au tac.

Milos Zeman et François Hollande – © Flickr
Il a ainsi déclaré se rendre à Moscou pour remercier les Russes de « ne pas avoir à parler Allemand aujourd’hui« , et conseillé à Mr. Schapiro de rester à sa place, réalisant un parallèle avec l’ambassadeur tchèque à Washington, qui, lui, « ne donne pas de conseils en terme de politique étrangère à Barack Obama« .
Zeman critique ouvertement les sanctions européennes infligées à la Russie, les trouve contre-productives, et estiment qu’elles ne font que renforcer la popularité de Poutine auprès de ses concitoyens.
Le camouflet infligé aux pro-Russes
Néanmoins, la semaine dernière, les partisans pro-Otan ont reçu un soutien pour le moins inespéré, mais absolument spectaculaire.
Lundi 6 avril, des dizaines de milliers de Tchèques sont sortis dans les rues pour ovationner le passage, étalé sur 4 jours, d’un convoi militaire américain sur leur sol.
Si certains représentants de la droite locale avaient prévus de manifester face à l’impérialisme américain et l’Otan en marge de ces événements, leur plans sont tombés à l’eau.
Par ailleurs, seule une centaine de personnes s’est rendue à l’appel du parti communiste sur la place Vaclav de Prague dans le but de dénoncer ces agissements, qui remettraient en cause, selon eux, la souveraineté de la République Tchèque.
Une diplomatie entre deux eaux
Ainsi, Bohuslav Sobotka s’est senti soutenu face à une classe politique tchèque encore hésitante vis-à-vis de son passé, mais surtout peu encline, en particulier pour certains de ses membres, à effacer des décennies de nomenclature politique et des relations qui s’y sont nouées en conséquence.

Bohuslav Sobotka – © Flickr
Même si l’actuel premier ministre a vaincu l’aile pro-russe du Président Zeman au dernier congrès du parti social-démocrate, la lutte fait toujours rage en interne dans un pays habitué au consensus.
En terme de doctrine diplomatique, les Tchèques avaient récemment d’abord décidé de tourner le dos à l’héritage laissé par Vaclav Havel, premier Président du pays de 1993 à 2003, proposant ainsi dans des documents officiels une plus grande méfiance vis-à-vis des USA, un rejet de l’universalité des droits de l’homme, la baisse du soutien aux dissidents politiques présents dans les dictatures, ainsi qu’une position plus policée vis-à-vis de la Russie et de la Chine.
Finalement, cette stratégie a rapidement été redéfinie sur l’impulsion du Premier ministre et de son ministre des affaires étrangères, Lubomir Zaoralka.
Les documents officiels ont vite à nouveau souligné les « liens euro-atlantiques », comme étant à la base du fonctionnement de la diplomatie tchèque.
Un ménage à trois régional en berne ?
Enfin, la République Tchèque comptait sur une alliance diplomatique locale avec la Slovaquie et l’Autriche.
Au début de l’année 2015, la première rencontre entre les 3 chefs des gouvernements respectifs est apparue comme une volonté commune de stopper les sanctions économiques à l’égard de la Russie, ce qui a évidemment fortement déplu à Sobotka, qui a décidé depuis de freiner au maximum les avancées de ce projet.