
Thimothy Archibald: Echolilia

Ses photos ont habillé les pages des célèbres New York Times Magazine, Newsweek, GQ, The New Yorker, ou encore Outside Magazine. À travers son œuvre Echolilia, Timothy Archibald, nous laisse entrevoir un fragment de sa vie, une nouvelle approche de la photographie. Ce projet, réalisé en 2010, met en scène l’univers de son fils, Elijah. Un jeune homme doté d’une vision marginale des choses, parallèle au commun des mortels, qui lui permet de se distinguer, de réviser les codes de perception traditionnels. La photographie s’est révélée comme un moyen de communication des plus efficaces pour permettre à Timothy et son fils de partager des émotions communes. Nous avons eu la chance et l’honneur de partir à la rencontre de ces deux génies de la création artistique.
Comme vous l’avez indiqué dans une interview précédente, Echolilia fait référence à ‘Echolilia’, une forme de répétition verbale et gestuelle que l’on retrouve communément dans le comportement des enfants autistes. Aussi, avez-vous monté ce projet en suivant une mise en scène préparée et répétée ou le décririez-vous comme une série de shoots spontanés ?
« J’ai toujours aimé ce mot ECHOLILIA pour ce projet, bien avant que ce fut un projet en soit. Il y a « ECHO » dedans, le rebondissement du son, et il y a « Lily », une jolie fleur, qui d’après moi rappelle la façon dont on perçoit les enfants comme ces magnifiques choses de la nature.
« Echolilia » fait référence à la copie de langage, copier des mots, répéter des comportements. Ensuite, il y a la photographie, qui par définition est une copie – une reproduction du monde réel, une copie de quelque chose, un scanner est une copie de quelque chose, et nous avons des scans des dessins d’Eli dans le livre… et le fait d’avoir un enfant, être un parent, en quelque sorte vous créez une copie de vous-même avec un autre. Donc, tout cela a joué dans ce mot, ce mot presque fabriqué, définissant le projet.
Mais les photos – celles-là nous les avons créées ensemble, Eli et moi. Il faisait quelque chose, jouait avec quelque chose, se focalisait sur quelque chose, un objet, une action, une partie de la maison, un jouet. Nous le notions, consentant que nous devrions faire une photo à ce sujet, puis j’essayais de trouver la bonne lumière pour créer la photo. Souvent il y se passait un ou deux jours avant que nous arrivions à prendre en photo l’une de nos idées, mais quand nous le faisions c’était une période très intense de concentration très courte : 4 minutes peut-être, moi, poussant le bouton frénétiquement, et Eli sortant de la pose pour venir regarder ce que nous venions de photographier. Ce moment là, lorsque votre enfant s’approche de votre appareil photo et vous regardez tous deux l’écran numérique au dos de l’appareil et dîtes « Wow … on l’a! ». Et bien ça c’est un grand moment. »
Dans votre récent projet Sex with Machines, votre femme a eu un rôle important en tant que sociologue. Dans le Times, vous mettez en évidence la relation privilégiée que vous avez construite avec votre fils tout au long de ce projet et l’importance de ces photos, qui vous ont permis à tous deux d’illustrer ce qui semble « difficile à définir ». Ainsi, nous serions curieux de connaître quel à été le rôle de votre femme dans Echolilia ?
« Les familles fonctionnent comme un système, et dans notre famille, il semble que j’ai toujours été le plus proche d’Eli. Ma femme semblait avoir une connexion plus étroite avec Wilson, mon autre fils. Ce n’est pas vrai pour tous les aspects de notre vie, mais pour ce qui concerne la compréhension de l’enfant et être capable de se retrouver dans des périodes difficiles. Donc ce n’était pas inhabituel pour Eli et moi de forger ce petit chemin, et d’essayer au moins de faire quelque chose… mais bien sûr nous ne savions pas ce que c’était.
Mais ma femme avait des préoccupations avec ce projet – nous avons donc discuté de ce qu’étaient vraiment mes motivations. Est-ce que j’essayais d’illustrer l’histoire de ma relation avec Eli, et est-ce que je l’utilisais pour des fins personnelles ? […] Et à cette époque je n’avais pas vraiment de réponses à ces questions. Nous prenions simplement les photos et tout cela le rendait heureux, surtout lorsqu’il a pu voir que ça s’amplifiait et qu’il y avait quelque chose de mieux à la maison. Il y avait une connexion qui nous tenait tous. S’il y a une chose pour laquelle je devrais m’excuser, c’est d’avoir connecté la famille de cette façon. »
Lorsque vous avez terminé ce projet, quelle a été la réaction de votre fils face à l’interprétation de son propre monde?
« Nous avons mis un terme à ce projet de manière naturelle. Notre enthousiasme s’était estompé et l’on réalisait les mêmes images encore et encore. Nous avions fait de la photographie une passion, tout allait bien. Le projet avait débuté avec un ardent désir de comprendre quelque chose. Mais notre faim s’était assouvie. Eli semblait complètement désintéressé. Il portait beaucoup plus d’intérêt aux nouvelles séries et au nouvel iPhone à l’époque. Mais un jour il m’a approché pour me dire : « je n’ai jamais vraiment jeté un œil à ce book. Est-ce-que je peux en avoir un pour ma chambre ? Je veux qu’on les regarde ensemble ». Cette session photo avec lui avait tout ce qu’il y a de plus normal, c’était un peu comme regarder de vielles photos d’anniversaire : « oh, je me souviens de ce jour… dehors avec l’entonnoir… c’était marrant ». À mesure que le projet a commencé à attirer l’attention et les gens à vouloir l’interviewer, il semblait y avoir quelque chose de complexe qui l’interpellait à chaque fois. Mon premier but semble avoir fonctionné, pour le moment en tout cas. Ce but consistant à lui faire percevoir l’autisme non comme un handicap mais plutôt comme une qualité dont il peut être fier. »
À l’origine, est-ce que ce projet a été fondé pour illustrer votre volonté de combler les différences entre vous et votre fils ou est-ce que vous vous considérez comme un artiste engagé pour la cause des enfants autistes?
« Oh, je n’ai pas grand-chose à faire de l’autisme. La maladie a été l’un des moteurs de ce projet, mais je n’ai aucun point de vue, pour ou contre, concernant l’autisme. Ce que j’estime le plus est le pouvoir des relations, sous toutes leurs formes. Le pouvoir de se connecter à un autre être humain – ton enfant, ta femme, ta petite amie, ta mère, ton père, même ton patron… n’importe qui, et créer le meilleur système de communication possible avec cette personne. Et dans le rôle de parent, un job pour lequel personne n’a de mode d’emploi, je pense que le pouvoir des relations humaines est encore plus important.
Étant le père, je ne comprends toujours pas ce que les gens tirent de ces photos. Pour moi, ce n’était qu’un projet de photos personnel qui n’intéresserait personne. Mais je pense que les gens s’attachent à cet enfant, si jeune et fragile, qui explore de nouvelles choses sous l’œil de son paternel. Je pense que les gens ressentent la co-opération entre nous deux, l’échange, la nature de notre relation, voila ce qui semble marquer les esprits. Mais je ne sais pas vraiment… êtes vous d’accord avec moi ? »
Qu’est ce qu’on pourrait vous souhaiter pour cette nouvelle année?
« Les souhaits que l’on pourrait m’adresser pour cette nouvelle année sont d’avoir les capacités nécessaires pour gérer les changements dans la vie parentale, l’art et la photographie avec grâce et créativité. »
Pour consulter le blog de Timothy Archibald, cliquez ici: http://www.timothyarchibald.com